Visionnaire ou vandale ? Qu’on aime ou qu’on déteste, l’œuvre de Banksy ne peut pas laisser indifférent. L’artiste britannique originaire de Bristol tient la sphère artistique en haleine depuis son installation à New York et reste le graffeur de rue le plus suivi du moment !
An english man in New York
Banksy et le street art : entre discrétion et coup d’éclat. Depuis le 1er octobre, il a investi la grosse pomme. Sur son site, il a appelé cette invasion « Better in than out », qui signifie littéralement « Meilleur dehors que dedans ». Il fonctionne ainsi comme n’importe quel artiste qui ferait une exposition dans une galerie d’art en donnant un nom à cette série d’œuvres new-yorkaises. Mais le parallèle s’arrête là ! Ses œuvres sont éphémères, souvent réalisées au pochoir et en noir et blanc. On pense alors évidemment aux œuvres de JR, cet artiste effronté qui colle sur les murs du monde entier des portraits big size : jeunes banlieusards dans les quartiers bourgeois, palestiniens et israéliens collés face à face sur les murs de Paris… Les deux hommes opèrent de la même manière : dans l’anonymat le plus total mais de manière percutante puisque frôlant l’illégalité. Ils revendiquent ce côté libre de l’art de rue et leurs œuvres sont toujours lourdes de sens.
Pour preuve : le premier graff de la série « Better in than out » de Banksy. Réalisé à proximité de Chinatown, on peut y voir 2 gamins des rues qui tentent de récupérer une bombe de peinture dessinée sur une pancarte mentionnant : « Graffiti is a crime ». Ce dessin dévoilé le 1er octobre donne d’emblée le ton : Banksy se moque des règles. Idem pour son œuvre représentant un chien en train d’uriner sur une borne fontaine, son camion rempli de peluches d’animaux destinés à être emmenés à l’abattoir ou encore son jardin d’Éden peint en trompe-l’œil sur un véhicule abandonné.
Banksy : un artiste 2.0 so new-yorkais !
Banksy ne se contente pas de peindre à New York, il joue à une véritable chasse au trésor avec ses fans. L’artiste utilise son site internet, www.banksy.co.uk pour lancer ses admirateurs sur la piste de ses œuvres. On y retrouve des enregistrements qui servent d’audioguidage pour que ces derniers puissent découvrir sa nouvelle œuvre dans les rues de New York. Encore une fois, les messages enregistrés sont pleins d’ironie. Ainsi, pour l’œuvre du chien et de la borne fontaine, on pouvait entendre : « Vous regardez l’un des plus grands chefs-d’œuvre du XXIe siècle ? Vous êtes au mauvais endroit ! Vous devriez être en train de regarder un chien urinant sur une borne à incendie ». Chaque œuvre de sa saga new-yorkaise est ainsi photographiée et publiée sur son site internet. Il pousse le jeu jusqu’à utiliser les réseaux sociaux pour tenir ses fans en haleine. Le 31 Octobre, il poste la dernière photographie de son périple new-yorkais : son nom peint au pochoir sur une maison abandonnée du Queens en bordure du Long Island Expressway. Personnellement, j’éprouve pour Banksy une grande admiration. A une époque où la célébrité est reconnue comme un gage de réussite et où la plupart des gens rêvent d’argent et de médiatisation à outrance, la manière dont Banksy et JR mènent leur carrière d’artiste est éminemment intelligente et respectable. Leurs œuvres sont accessibles à tous gratuitement et ils ont fait le choix de rester anonymes : que dire de plus ?
Bankable or not bankable ?
Banksy dit avoir choisi la peinture de rue pour son côté libre : pas de contraintes marketing pour rentabiliser une œuvre, aucune pression pour se faire connaître. Les amateurs apprécieront, les autres n’auront qu’à passer leur chemin. Petit bémol : la côte de l’artiste a grimpé en flèche et certains propriétaires des murs sur lesquels Banksy a apposé une œuvre n’hésitent plus à les démonter pour pouvoir en tirer profit. C’est ainsi que José Garcia, propriétaire d’un de ces immeubles taggués par Banksy, se serait vu offrir la somme rondelette de 1 million de dollars pour ses murs. On ne sait pas encore s’il a accepté.
En tout cas, Banksy a pris le contrepied en mettant en place un stand, lui aussi éphémère, dans lequel il a vendu certains de ces pochoirs estimés à plusieurs centaines de milliers de dollars pour 60 dollars seulement. Le stand, installé à proximité de Central Park, était tenu par un vieux monsieur. Aucune communication autour de cette vente. Résultat ? Seulement quelques toiles vendues, dont deux négociées à -50% par une mère de famille. Quelle conclusion en tirer ? Sont-ce les œuvres qui sont belles ou seulement la manière percutante dont elles sont dévoilées au grand public ?
Controverses et passions
On peut aimer comme détester. Dans la seconde catégorie : le maire de New York, Michael Bloomberg. Pour lui, les œuvres de Banksy sont un signe de « décadence » et de « perte de contrôle ». La première œuvre représentant les 2 gamins a d’ailleurs été effacée illico: le panneau « Graffiti is a crime » a été enlevé tout comme le dessin de Banksy recouvert de peinture blanche. De nombreuses œuvres de l’artiste sont ainsi volontairement abîmées et effacées. Certains propriétaires d’immeuble ont exprimé leur colère face à ce vandalisme de leurs bâtiments. En face, il y a les fans inconditionnels qui prennent le parti de protéger les œuvres de l’artiste. Ainsi, le samedi 19 octobre, des vigiles protégeaient les toiles placées par Banksy sous la high line de Chelsea. A Brooklyn, une propriétaire a pris l’initiative de mettre l’œuvre de Banksy sous un grillage protecteur.
Art ou décadence ? Génie à la pointe de son art ou illuminé peu respectueux de la propriété d’autrui et des règles sociétales ? Banksy reste en tout cas l’insaisissable artiste de rue dont la véritable identité n’a toujours pas été confirmée à ce jour. Pour ma part, le noir et blanc me rappelle la pureté des esquisses d’antan, très loin des excès dont nous sommes aujourd’hui abreuvés. L’effronterie d’utiliser des supports qui ne t’appartiennent pas : quoi de plus coquin ? Et le luxe suprême : faire tout cela sans que personne ne sache qui tu es. Pour JR comme pour Banksy, je n’aurai qu’un seul mot : respect !
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